Introduction méthodologique

COMMENT LA BASE A-T-ELLE ETE CONÇUE ?

La base de données a été conçue pour proposer la notice institutionnelle de toutes les églises qui ont abrité un chapitre de chanoines séculiers apparu entre 816 et 1563. Le terme de « collégiale » recouvre un grand nombre d’établissements, fondés tout au long du Moyen Âge et encore au début de l’époque moderne, dans tous les diocèses de France, s’adaptant aux courants spirituels successifs et aux nécessités changeantes de l’encadrement pastoral. Ce terme (qui en latin – ecclesia canonicalis (XIe siècle), ecclesia collegiata (XIIIe siècle), ecclesia collegialis (XIVe siècle)ne renvoie qu’aux collégiales séculières) apparaît tardivement dans les sources (au XIIIe siècle en français) mais il renvoie à une réalité institutionnelle qui existe depuis l’époque mérovingienne. Il remplace le monasterium des siècles du Haut Moyen Age qui désigne aussi bien des communautés monastiques que canoniales. Sa définition, retenant comme élément déterminant la récitation quotidienne de l’office divin par le corps capitulaire, permet d’inclure des églises et des communautés remarquables par leur diversité dans le temps et dans l’espace.

La première borne chronologique de la base de données correspond au Concile d’Aix (816), au cours duquel les communautés de chanoines desservant les cathédrales et les églises appelées plus tard collégiales, se sont vues proposer l’adoption d’une règle, l’Institutio canonicorum, appelée improprement règle d’Aix, dans le but de distinguer clairement leur type de vie de celle des moines. L’apparition du terme canonicus dans les sources à partir de cette époque permet de repérer de manière plus sûre les églises dotées de chapitres, même s’il est quelquefois difficile de savoir si toutes les communautés ont réellement adopté l’ordre d’Aix à l’époque carolingienne. Certains chapitres se trouvent ainsi post-datés dans la base de données dans la mesure où l’on a pris le parti de ne donner de date d’attestation (à défaut de date de fondation) qu’avec la première mention du terme canonicus dans les sources.

Pendant le Moyen Age central, certaines collégiales sont également difficiles à déceler avant la transformation assez fréquente à cette époque de leur clergé en communauté monastique ou en chapitre régulier. D’autres ne sont attestées que par des tentatives de fondation vite avortées. Avec la fin du Moyen Age, la distinction entre sociétés de prêtres et chapitres dans les diocèses méridionaux n’est pas toujours aisée et là encore, certains actes d’érection peuvent ne pas être suivis d’effet. Cela a conduit à la constitution d’une liste de collégiales incertaines pour lesquelles la présence de chanoines n’est attestée que par un seul acte, a vite été remplacée par celle d’un autre clergé, est contestée par une partie de la documentation.

La seconde borne chronologique renvoie à la fin du Concile de Trente (1545-1563) qui n’intervient pas aussi directement dans l’histoire des communautés canoniales mais qui marque le ralentissement très net du mouvement des fondations de chapitres, voire sa fin dans certains diocèses.

Cette base vise à devenir un outil de travail complet pour tous les personnes s’intéressant aux collégiales séculières qui constituent une institution encore mal connue. En 1962, Jean Gaudemet soulignait déjà la difficulté d’appréhender le phénomène de leur apparition dans sa globalité et sa continuité historique. Cette diversité a probablement découragé toute tentative de synthèse dans l’historiographie sur les institutions ecclésiastiques médiévales. Depuis, cette lacune est régulièrement déplorée par les historiens de l’Église de France. En 1964, Gabriel Lebras concluait ses remarques sur le poids des collégiales dans le fonctionnement des diocèses, en disant que la Chrétienté médiévale ne serait vraiment connue que lorsque la géographie religieuse aurait révélé la condition de tous les lieux de culte, et pas seulement celles des paroisses et des monastères. Malgré les pistes ouvertes à cette époque par deux historiens du droit, Jean-François Lemarignier et Jacques-Henri Légier, trente plus tard en 1993, Michel Parisse regrettait toujours qu’aucune étude globale n’ait été réalisée sur le phénomène canonial, masqué par les études sur les seuls chapitres cathédraux au détriment des plus petites fondations. La bibliographie générale rappelée en 2002 par la chercheuse néerlandaise Brigitte Meijns sur les fondations canoniales des origines au XIIe siècle atteste le déséquilibre entre la bonne connaissance qu’en ont les historiographies allemande, suisse, belge et néerlandaise et les études encore trop uniquement monographiques dont dispose la recherche française.

La Base des collégiales séculières de France devra donc permettre de comprendre mieux la place que celles-ci occupent dans le paysage religieux médiéval à côté des cathédrales, des monastères, des églises paroissiales. Mais elle doit d’abord être un instrument de recherche rapide et commode qui empêche de les confondre avec des établissements monastiques et qui donne des repères sur la date de leur fondation (ou de leur attestation), les transformations institutionnelles qui ont fréquemment affecté ces communautés, la composition de leur corps capitulaire et les liens institutionnels qui les lient à d’autres établissements, séculiers ou réguliers.